
Au bord du Saint-Laurent, près de La Malbaie, le Centre écologique de Port-au-Saumon accueillait, le 22 mai dernier, deux classes vertes de secondaire 1. Les 45 élèves avaient fait le voyage de Montréal pour participer à l’activité de science citoyenne « Code Béluga » —et contribuer ainsi à récolter des données sur ce qui vit dans le fleuve.
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L’idée est de récolter des fragments d’ADN d’êtres vivants, dont le fameux béluga. On commence par expliquer aux élèves le protocole: « Cela a pris forme d’un jeu avec des brins mimant l’ADN – des bracelets de perles— afin d’identifier quelques espèces qu’ils pourraient retrouver », présente l’animatrice Nathanielle Major. Et puis, on s’en va mettre les pieds dans l’eau : « Les jeunes étaient très intrigués par la possibilité de trouver une espèce inconnue », poursuit celle qui est aussi coordonnatrice de l’équipe éducation d’Espace pour la vie.
Lancée par Génome Québec et le Biodôme de Montréal, en collaboration avec des organismes de culture scientifique de quatre villes —La Malbaie, Cacouna, Tadoussac et Rimouski— l’activité « Code Béluga » initiera pendant quelques jours cet été le grand public aux travaux de recherche de ce que l’on appelle l’ADN environnemental.
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C’est que la récolte d’échantillons d’eau du fleuve permet de trouver les informations génétiques révélant la présence de toutes sortes de microorganismes marins – principalement - et —plus rarement— des poissons, des mammifères marins, et même des oiseaux marins. « Cela va donner un portrait large de la biodiversité, même si c’est rare que l’on ait des traces de l’esturgeon jaune ou d’un béluga », explique Noémie Poirier Stewart, la conseillère éducation et vulgarisation scientifique de Génome Québec.

Récolte d'échantillons à Port-au-Saumon, 22 mai. Photo: Antoine Gascon, Génome Québec
N’importe quel être vivant laisse de l’information génétique derrière lui,. à partir de cellules relâchées dans l’eau ou le sol, lorsqu’il se déplace, mange et lorsqu’il se décompose après sa mort.
Ces informations peuvent être recueillies aussi bien dans l’eau douce que l’eau salée, dans les sédiments, l’humus, les fèces… Si on fait de telles récoltes à plusieurs moments, il devient alors possible de suivre les changements, comme l’arrivée de nouveaux organismes ou le déclin d’espèces.
De nombreuses équipes de Génome Québec travaillent ainsi depuis une dizaine d’années à identifier la biodiversité fluviale. Les « récoltes » faites par les citoyens à Port-au-Saumon et dans d’autres endroits cette année, permettront d’en savoir plus sur la faune de ce tronçon du fleuve. Cette activité permettra de récolter beaucoup plus de données que les scientifiques n’en auraient été capables à eux seuls.
Le projet de science citoyenne Code Béluga s’inscrit dans la suite du projet ADN-eau, lancé en 2019. Il s’adresse aussi bien aux élèves québécois qu’au grand public, dans le but de les aider à mieux comprendre ce qui se brasse dans l’eau et qui nous est la plupart du temps invisible.
Même si Noémie Stewart les prévient que de trouver de l’ADN de béluga est plus rare, plus on prend un grand volume d’eau, plus on a des chances de détecter de plus grandes espèces. En fait, on peut même détecter des traces humaines – celles des enfants et des plus grands - malgré les gants et le protocole de manipulation.
« À quoi ça va servir? »
Si on s’intéresse autant au béluga, c’est parce qu’il est un peu comme le canari de la mine: il nous informe de la bonne santé du fleuve. Le Delphinapterus leucas , ce mammifère marin reconnaissable à sa petite tête blanche qui arpente le fleuve Saint-Laurent et le fjord du Saguenay, voit sa population décliner, avec seulement 2000 individus dans le Saint-Laurent et une alarmante mortalité des nouveaux-nés. L’espèce est considérée en voie de disparition.
Une partie de ce que jeunes et moins jeunes récolteront, après séchage et scellage des filtres, sera envoyé au Centre d’expertise et de services de Génome Québec, pour analyse.
« À quoi ça va servir? » demandaient les ados le 22 mai. « Qu’est-ce qu’on peut trouver dans le fleuve? Ils étaient très curieux, mais les résultats ne seront pas révélés avant octobre », relève l’animatrice. À ce moment, la dizaine de filtres récoltée par chaque groupe sera représentée par un point sur une carte interactive. En cliquant dessus, il sera possible de voir toutes les espèces présentes dans l’eau recueillie.
En attendant, « cela a permis de mettre des mots et même des images sur quelque chose de très abstrait comme l’ADN environnemental», note Mme Major.
Le lendemain, le vendredi 23 mai, les élèves de l'école primaire Saint-Joseph à Tadoussac, l’ont à leur tour expérimenté au Centre d'interprétation des mammifères marins de leur ville. Tandis que de l’autre côté du fleuve, la même activité se déroulait à Cacouna, plus précisément à la pointe de Cacouna Ktopeqonok, sur le territoire de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk (anciennement appelée malécite).
C’étaient cette fois toutes les classes de l’école primaire Vents-et-Marées de Cacouna, de la maternelle jusqu’à la 6e année, qui s’étaient déplacées. « C’est très rare d’avoir accès à ce genre d’activités, c’est la science qui vient à eux. Même les plus jeunes ont relevé le défi et travaillé fort pour préparer leurs filtres avec de l’ADN », témoigne Mme Major.
« Ils avaient déjà une très bonne connaissance du milieu et étaient capables de nommer de nombreuses espèces, comme le flétan et le saumon », ajoute l’animatrice.
Cette activité de science citoyenne, gratuite et ouverte au public, se répétera les 5 juillet et 23 août à Port-au-Saumon et à Cacouna, ainsi que les 6 juillet et 24 août à Tadoussac et à Rimouski, au parc national du Bic.